Dans le ciel clair de novembre 2006, une tragédie aérienne pas comme les autres s’est jouée, plongeant la Belgique dans une onde de choc dont les répercussions se font encore sentir. L’affaire, aussi vertigineuse que l’altitude d’où elle a débuté, est celle d’Els Van Doren, parachutiste expérimentée dont la chute mortelle a dévoilé une toile tissée de jalousie, de trahison et de meurtre. Cet article plonge dans les abysses de l’affaire du meurtre au parachute, un crime qui a mêlé l’adrénaline du parachutisme à la froideur calculatrice d’un assassinat hors du commun.
Une chute mortelle programmée
Le 18 novembre 2006, un groupe de parachutistes s’envole pour ce qui semble être un saut comme tant d’autres dans le ciel de Zwartberg. Parmi eux, Els Van Doren, une figure respectée dans la communauté du parachutisme, avec des centaines de sauts à son actif. Ce jour-là, le ciel est calme, les conditions parfaites, rien ne peut présager de la tragédie qui va se dérouler.
Alors que le groupe atteint l’altitude désirée, les parachutistes se lancent dans le vide, prêts à déployer leur toile et à planer gracieusement vers le sol. Pour Van Doren, cependant, le scénario idyllique tourne au cauchemar. Tentant de déployer son parachute principal, elle est confrontée à une résistance inattendue. Dans un geste désespéré, elle se tourne vers son parachute de secours, mais le destin a déjà scellé son sort. Celui-ci ne s’ouvre pas non plus…
Les témoins assistent impuissants à la tragédie. Le corps de Van Doren s’écrase avec une force brutale, marquant la fin tragique d’une vie passionnée par les cieux. L’enquête qui suit révèle rapidement l’horreur derrière l’accident : il s’agit d’un acte délibéré, un sabotage méticuleux visant à ne laisser aucune chance à la victime. Les cordes censées déclencher les parachutes ont été minutieusement coupées, la rendant impuissante dans sa chute vertigineuse.
Ce meurtre en plein ciel ouvrit les vannes d’une enquête qui allait révéler des sombres secrets. La découverte du sabotage fut le premier indice d’une affaire qui allait tenir la Belgique en haleine.
Une passionnée du ciel
Els Van Doren n’était pas seulement une parachutiste aguerrie. Bijoutière, mariée et mère de deux enfants, elle partageait son temps entre les joies de la famille et l’adrénaline du saut en parachute.
Le club de parachutisme était un lieu où elle s’entraînait et partageait des instants mémorables avec des amis animés par la même passion. Dans ce groupe soudé, Els Clottemans et Marcel Somers se distinguaient comme des proches de la victime. Els « Babs » Clottemans était une institutrice flamande de 22 ans et parachutiste amatrice tandis que Marcel Somers était un Hollandais d’Eindhoven, parachutiste, instructeur des deux femmes.
Ils étaient souvent vus ensemble, formant un trio inséparable au fil de nombreux sauts. Cependant, cette harmonie fut bientôt ébranlée par l’émergence de sentiments plus intenses, perturbant la dynamique précédemment inébranlable du groupe.
En effet, au-delà des liens d’amitié, Els Van Doren entretenait une relation extra-conjugale avec Marcel Somers, une romance secrète qui ajoutait une couche de complexité à leur amitié déjà riche. Et cette liaison, bien que discrète, n’était pas inconnue de tous !
Marcel Somers et Els Van Doren avant le saut en parachute
Des suspects et des tensions palpables
La question brûlante demeurait : qui pouvait abriter une animosité assez profonde pour commettre un acte aussi abject ? Les jours suivant la chute révélèrent un tissu complexe de relations, de jalousies et de non-dits.
Le mari
Le mari de Els Van Doren n’avait lui aucune idée que sa femme entretenait une relation extra-conjugale avec son moniteur de parachutisme. Du moins, c’est ce qu’il dit aux enquêteurs chargés de l’enquête lorsqu’il fut interrogé. Pourtant en janvier de l’année 2006, le couple avait reçu une lettre dans la boîte aux lettres avec 2 lignes écrites en flamand : “Els, qu’es-tu en train de faire ? Pense à ton mari et à tes enfants”. Els avait justifié ce message auprès de son mari par une allusion au fait qu’elle consacrait trop de temps à sa passion et que la personne lui reprochait de délaisser son foyer. Mais est-ce que son mari l’a vraiment cru ?
Le mari avait lui-même fait du saut en parachute, il savait comment réaliser un saut, comment se positionner dans les airs, mais aussi comment vérifier le matériel… et donc comment le saboter. Surtout que Els, sa femme, stockait son parachute chez eux, à la maison.
Marcel Somers, l’amant
Lors de son interrogatoire, Marcel reconnaît ouvertement avoir entretenu une relation amoureuse avec Els Van Doren depuis des années. Mais ce que la police ne sait pas à ce moment et qu’il livre volontiers, c’est qu’il entretenait aussi une relation avec l’autre Els, l’institutrice ! C’est d’ailleurs lui qui lui a donné ce surnom, « Babs » , pour différencier les deux Els dans leur trio.
Pour autant, la relation n’était pas la même avec les deux femmes. Ses sentiments pour les deux femmes étaient loin d’être équivalents : il était profondément amoureux de Van Doren, tandis que sa relation avec Clottemans était plus sporadique et dénuée de sentiments profonds. Els Clottemans était au courant qu’elle n’était que la seconde dans le choix de Marcel, mais était-elle seulement jalouse de cette situation ou l’acceptait-elle ?
Els Clottemans, la rivale ?
Els « Babs » Clottemans se retrouvait dans une situation délicate. Consciente de sa position de « seconde » dans le cœur de Marcel Somers, vivait-elle cette réalité avec une douleur silencieuse ? Ressentait-elle de la jalousie et un sentiment d’infériorité face à Els Van Doren ? Leur amitié, autrefois solide, commençait-elle à s’effriter sous le poids d’amours non partagés ?
Sa relation intermittente avec Marcel Somers, bien que dénuée de l’intensité amoureuse partagée avec Van Doren, lui offrait des moments d’intimité qui, peut-être, laissaient place à l’espoir d’une évolution.
Els Clottemans, institutrice passionnée de parachute
La fois de trop
Aux enquêteurs, Marcel Somers raconte une anecdote qui s’est passée huit jours avant le drame. C’était un dimanche, le soir. Marcel avait prévu de passer la soirée avec Babs, en général c’est ce jour-là qu’ils se voyaient.
Sauf que ce soir-là, Els Van Doren a débarqué, elle a posé son parachute dans le salon et elle est allée se mettre directement dans le lit de Marcel. Comme une manière de marquer son territoire par rapport à Babs. Et cette dernière s’est retrouvée à devoir dormir seule, dans le canapé du salon, à devoir écouter Marcel et Els s’amuser au lit…
Ce geste, délibéré ou non, a cristallisé les dynamiques de pouvoir, d’appartenance et d’exclusion qui régnaient entre les trois. La nuit que Babs a passée sur le canapé, seule, à écouter les échos de l’intimité partagée entre Marcel et Els Van Doren, lui a sans doute été insupportable.
C’était une illustration cruelle de sa position marginale dans ce triangle, réduite à un rôle de spectatrice d’une relation qu’elle désirait pour elle-même.
Le dénouement
Le dénouement de l’affaire du meurtre au parachute qui a secoué la Belgique commence à prendre forme 15 jours après la mort tragique de Els Van Doren, lorsque les enquêteurs décident de réinterroger Els « Babs » Clottemans à la suite des révélations troublantes de Marcel, le moniteur de parachutisme. Babs devient soudainement le suspect principal.
Un nouvel interrogatoire et des rebondissements
Face aux enquêteurs, elle doit répondre aux faits qui se sont déroulés huit jours avant le drame, et à l’omission, lors du premier interrogatoire face aux enquêteurs, de mentionner sa propre relation avec Marcel Somers. Confrontée à cette omission, elle insiste sur le fait que cette situation triangulaire lui convenait, allant à l’encontre des dires de Marcel qui la dépeignait comme jalouse.
Le dénouement apparaît un mois après le drame, lorsque Babs, accablée par le désespoir et incapable de supporter l’idée que Marcel souhaite mettre fin à leur relation — maintenant perçue comme malsaine depuis la mort de Els Van Doren — tente de mettre fin à ses jours. Avant son geste désespéré, elle a pris le temps d’envoyer des lettres à ses proches, y compris à Marcel, révélant qu’elle était l’auteur de la lettre anonyme envoyée au couple Van Doren en janvier.
Le verdict
Cette révélation confirme les soupçons : Babs ne voulait pas de la relation entre Els et Marcel, et elle n’avait pas supporté l’humiliation subie cette nuit de dimanche, ni de voir sa place usurpée par Els dans le lit de Marcel.
Les preuves s’accumulent contre Els “Babs” Clottemans. Le dossier, bien que critiqué pour sa fragilité, se solidifie lorsque le mari de Van Doren et Marcel Somers sont disculpés par le détecteur de mensonges, dispositif auquel Clottemans refuse de se soumettre.
Le procès s’ouvre donc dans une atmosphère tendue, les témoignages accablants contre Clottemans se multiplient et le verdict est sans appel : elle est reconnue coupable et condamnée à 30 ans de prison.
Un Amour Fatal
Au cœur de cette tragédie se trouve un sentiment d’amour non partagé d’une intensité dévastatrice. La nuit où Babs est délaissée dans le salon, forcée d’écouter les ébats de Marcel et d’Els Van Doren, marque le point de non-retour.
Consumée par la douleur d’être la « seconde » dans le cœur de Marcel et par l’humiliation d’être témoin de leur intimité, elle prend la décision fatale de saboter le parachute de Van Doren. Cette action désespérée, loin d’être un simple acte de jalousie, est le cri silencieux d’une femme déchirée par l’amour et réduite à l’impuissance face à ses propres émotions tumultueuses qui devient une meurtrière…
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